Cinq heures

Qu'y a-t-il de commun entre 5h du matin et le mime Marceau? Vous aurez le choix des mots: blême, bouleversant ou mort, mais en tout cas c'est l'occasion de faire parler le silence. 5h du matin, c'est comme un Mondrian, il faut rester immobile pour en percevoir le relief. Paris s'éveille mais Paris est loin, et les trains engourdis ne sont pas encore partis de leur terminus, ils n'ont pas réchauffé leurs courroies au frottement de l'action. C'est à 5h que la moquette de la chambre se montre le plus poussiéreuse et oh bon sang il faut changer le sac de l'aspirateur et oh bon sang à quoi bon et puis pourquoi penser à ça maintenant? A 5h tout est si minimal mais tout est si envahissant à la fois, la poussière englue tout le sol on n'a pas envie de le toucher, tout est bleu pétrole, faut-il allumer la lampe ou la garder éteinte? Le livre de chevet servira-t-il enfin, sera-t-il achevé? Pardonnez le jeu de mot mais à 5h c'est le cas de le dire. C'est le cas. Et le temps est bizarre à ce moment-là, il ne suit aucune loi, de toute façon l'affichage du réveil est défectueux (il ne brille plus dans le noir), ça laisse planer le mystère. Que se passe-t-il donc, en fait à 5h? On dirait bien, c'est trop facile, que c'est l'heure entre loup et chien, mais l'animal alité éveillé est pour l'heure un singe-mime, un clown blanc qui se demande que dire à ce nouveau monde caché derrière les volets, renouvelé mais encore froid, à passer quelques minutes au bain-marie. Et tout ça n'est pas minimal du tout, ah tiens non.